Manifestation à 14h00 à Guilherand-Granges (Medef).
Voir le tract ci-joint, à diffuser sans modération !
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La question des rythmes scolaires est importante ; personne chez les personnels de l’Education nationale n’en doute. Mais personne n’est dupe des raisons qui amènent le ministère à mettre en avant cette question à un moment où la politique conduite suscite des oppositions sur le terrain.
Quel réel crédit faut-il accorder à une consultation mise en place après la contestation de la réforme des lycées par les jeunes et les personnels ? Quelle crédibilité faut-il accorder à une conférence nationale qui ne compte pas de représentants des syndicats enseignants ni des fédérations de parents, alors qu’elle est largement ouverte à des organismes et des personnalités représentant des intérêts divers et éloignés de ceux de l’Education ?
De plus, quand on liste les questions soumises au débat, on ne peut qu’être frappé par les présupposés qui les sous-tendent : les rythmes scolaires semblent être les seuls responsables de l’échec scolaire. Parallèlement, on ne peut que constater que le débat sur les rythmes scolaires, éclairé par des comparaisons internationales spécieuses, trouvera son aboutissement à un moment où le dogme des suppressions de postes se heurte à la réalité du terrain : hausse démographique en collège et bientôt en lycée, déficit de recrutement aux concours, pénurie de TZR.
De même, personne n’oublie les fiches-cuisine, révélées par la presse au printemps dernier, qui énumèrent les leviers possibles pour supprimer des postes. On peut facilement en ajouter une nouvelle : les réductions des horaires au nom des rythmes scolaires. Pour mémoire, la réduction d’une demi-heure d’Histoire-géo fait économiser 50 postes dans la seule académie de Grenoble.
Dans ce contexte de dépeçage et de privatisation rampante du système éducatif, il est donc malhonnête de lier aussi mécaniquement la question de la réussite et des rythmes scolaires. La fatigue des élèves est certes due à la longueur de certaines journées mais elle est aussi liée à l’effectif par classe, à la qualité des emplois du temps, à la nature des activités conduites, à la durée de la pause méridienne, sans compter l’alourdissement de la charge de travail à la maison.
Au vu de la politique menée par ce gouvernement, le constat est sans appel : les classes sont de plus en plus chargées en collège et en lycée, les groupes pour les disciplines expérimentales disparaissent progressivement, le travail à la maison devient une conséquence du manque de temps en classe entière, les dispositifs d’aide se mettent en place ces dernières années au détriment des heures des heures de cours (PPRE, Soutien Personnalisé). La question des programmes a été traitée de façon caricaturale, alors qu’elle est l’une des clés de la réussite des élèves. Le pire s’est joué avec la réforme des lycées qui a été imposée avec le maintien des mêmes programmes pour un horaire réduit ou par des modifications qui en dénaturent la finalité. Dans ces conditions, comment s’étonner que la réussite des élèves marque le pas ?
La réussite des élèves, on le voit, ne dépend pas des seuls rythmes scolaires. Mais à l’évidence, pour des raisons budgétaires mais aussi idéologiques, le Ministère entend répondre par « moins d’école ». A ce titre, l’expérimentation imposée « Cours le matin, sport l’après-midi » est révélatrice : à terme, elle ouvre la porte à des suppressions d’horaires d’enseignements et à l’irruption des clubs et des associations en substitutions aux collègues d’EPS.
Le SNES, dans ce débat orienté, doit redire que la réussite des élèves, si elle dépend des rythmes scolaires, est aussi une question pédagogique : elle embrasse donc la définition des programmes, le respect de conditions matérielles (locaux, taille des classes, travail en demi-classe, nature des activités) ainsi que la qualification des personnels en charge des élèves, ce qui suppose des équipes d’enseignants non précaires et formés (et non pas sacrifiés comme les actuels stagiaires), des personnels de documentation et de vie scolaire. Rappelons aussi que toutes les disciplines concourent à la formation et à la réussite des élèves : les enseignements artistiques et l’EPS doivent rester des disciplines dans le cadre scolaire national.
On voit ainsi se dessiner une tactique bien connue : le ministère occupe le terrain médiatique, occupe parents et enseignants à des discussions qui détournent l’attention des suppressions de postes et des réformes contestées. L’institution qui n’attend pas grand-chose de ce débat peut à la marge y trouver un gain : promouvoir encore un peu plus l’idée de l’autonomie, les rythmes scolaires étant systématiquement présentés comme individuels, comme relevant de spécificités locales (milieu rural ou urbain, poids des transports). Au final, on accrédite l’idée que les « bons » rythmes scolaires sont incompatibles avec le carcan de la réglementation nationale. Mais à plus long terme, il y a sans doute une vision stratégique : on ne peut manquer de noter la coïncidence entre la question des rythmes, la réforme des lycées et le manque d’enseignants. On sait qu’à terme le Bac est dans le collimateur du Ministère : les suppressions de postes massives rendent difficile l’organisation des corrections et imposent le recours aux enseignants de collège, ce qui génère des perturbations. On sait que la réforme des lycées en renvoyant au local la gestion des moyens (soit 10,50 heures) organise de fait des disparités entre les établissements, entre les élèves qui n’ont plus un égal accès aux disciplines. Dans ces conditions, avec la généralisation de la réforme en 1ère et Terminale, il va devenir impossible d’évaluer nationalement les élèves. Le Bac va donc devenir impossible et d’ailleurs sa réforme est prévue pour 2013. Mais l’annonce de la suppression du Bac sous sa forme actuelle et son remplacement par du contrôle en cours de formation ou continu s’avèrent délicats, sachant l’attachement de l’opinion publique à ce symbole de l’Ecole républicaine. C’est là que les rythmes scolaires ont leur rôle à jouer : si le Ministère parvient à vendre la nécessité d’un zonage des vacances d’été dans « l’intérêt des élèves », l’organisation du Bac devient de fait impossible et sa suppression, présentée comme « inéluctable », sera ressentie comme moins douloureuse.
C’est conscients de tous ces enjeux que nous devons aller à ce débat afin de réaffirmer nos revendications pour une Ecole émancipatrice.
JL Mollard.